« Ich bin ein Berliner. »
Discours de John Fitzgerald Kennedy (1917-1963) à Berlin-Ouest, 26 juin 1963
Pourquoi il a dit ça ?
Car, depuis la conférence de Yalta qui s'est terminée le 11 février 1945, l'Allemagne est divisée en quatre zones d'occupation sous administrations soviétique, américaine, britannique et française et, depuis 1961, un mur sépare Berlin-Ouest (capitale de la République fédérale d'Allemagne (RFA)) de Berlin-Est (capitale de la République démocratique allemande (RDA)). Dans un contexte de Guerre froide entre les Etats-Unis et l'URSS, la venue et le discours de John Fitzgerald Kennedy à Belin-Ouest du 26 juin 1963 a pour objectif d'une part d'assurer le soutien des Etats-Unis aux Berlinois-Ouest, enclavés en RFA et qui se sentent menacés par les communistes de la RDA, mais aussi d'autre part de montrer aux mouvements contestataires communistes au sein même du bloc occidental que le modèle communiste soviétique est celui de la négation de la liberté et de la démocratie.
Comment il a dit ça ?
Dans son discours du 26 juin 1963, John Fitzgerald Kennedy met en avant la supériorité du bloc occidental, qu'il qualifie de "monde libre", sur le bloc soviétique qui doit construire un mur pour empêcher ses citoyens de fuir. Kennedy fait également preuve de recul en reconnaissant que les Etats-Unis sont une "démocratie imparfaite", faisant ici référence aux inégalités sociales qui divisent son pays. JFK place enfin Berlin au centre des enjeux de la guerre froide et érige la ville en symbole de l'échec du communisme, invitant à trois reprises ses détracteurs à venir voir par eux-mêmes. Pour l'anecdote, les notes de Kennedy révèlent que pour ne pas se tromper dans la prononciation, le président avait écrit la célèbre phrase en phonétique ("Ish bin ein Bearleener") !
Pourquoi on se rappelle qu’il a dit ça ?
Car ce discours marque un changement majeur dans la conception de la Guerre froide qui n'est plus seulement une guerre territoriale mais également une guerre idéologique. En effet, même si la crise des missiles de Cuba d'octobre 1962 a bien failli déclencher un conflit nucléaire, la Guerre froide est avant tout une période de fortes tensions entre deux modèles économiques et politiques que tout oppose. Pour revenir au discours, une légende urbaine voudrait que la syntaxe utilisée signifierait que Kennedy a revendiqué être une pâtisserie locale (le "Berliner"). Il s'agit pourtant d'un contre-sens dans la mesure où Kennedy n'était pas réellement un habitant de Berlin et donc dire "Ich bin Berliner" au lieu de "Ich bin ein Berliner" aurait certes été grammaticalement plus usuel mais concrètement faux.
Mais il a aussi dit ça :
[…] Il y a deux mille ans, la fierté suprême était de dire : "civis Romanum sum". Aujourd'hui, dans le monde de la liberté, la fierté suprême est de dire : "Ich bin ein Berliner".
[…] Il est beaucoup de personnes dans le monde qui ne comprennent vraiment pas, ou disent qu'ils ne comprennent pas, où se situe le problème entre le monde libre et le monde communiste. Qu'ils viennent à Berlin. Il y en a qui disent que le communisme est la vague du futur. Qu'ils viennent à Berlin. Et il y en qui disent qu'en Europe et ailleurs nous pouvons travailler avec les communistes. Qu'ils viennent à Berlin. Et il y en a même quelques-uns qui disent qu'il est vrai que le communisme est un mauvais système mais qu'il nous permet de faire des progrès économiques. Lasst sie nach Berlin kommen. Qu'ils viennent à Berlin.
La liberté rencontre de nombreux obstacles et la démocratie n'est pas parfaite, mais nous n'avons jamais dû monter un mur pour garder notre peuple, pour les empêcher de nous quitter. Je veux dire au nom de mes compatriotes qui vivent à beaucoup de kilomètres d'ici de l'autre côté de l'Atlantique, qui sont très loin de vous, que c'est avec la plus grande fierté qu'ils ont pu partager avec vous, même à distance, l'histoire des 18 dernières années. Je ne connais pas d'autre ville, petite ou grande, qui ait été assiégée pendant 18 ans et qui vive encore avec la vitalité et la force, l'espoir et la détermination de la ville de Berlin. Même si le mur est la démonstration la plus évidente et la plus éclatante des échecs du système communiste, nous n'en tirons aucune satisfaction car il n'est, comme l'a dit votre Maire, pas seulement un crime contre l'Histoire mais un crime contre l'Humanité qui désunit les familles, sépare maris et femmes, frères et sœurs, et divise un peuple qui désire être unifié.
Ce qui est vrai de cette ville est vrai pour l'Allemagne - une vraie paix durable en Europe ne peut être assurée tant qu'un Allemand sur quatre est privé du droit élémentaire des hommes libres, celui de faire librement ses choix. En 18 ans de paix et de confiance, la présente génération allemande a mérité le droit d’être libre, ainsi que le droit à la réunification de ses familles et de sa nation pacifiquement et durablement. Vous vivez sur un îlot de liberté mais votre vie est liée au sort du continent. Je vous demande donc de regarder par-dessus les dangers d’aujourd’hui vers les espoirs de demain, de ne pas penser seulement à votre ville et à votre patrie allemande, mais d’axer votre pensée sur le progrès de la liberté dans le monde entier. Ne voyez pas le mur, envisagez le jour où éclatera la paix, une paix juste.
La liberté est indivisible et, tant qu’un seul homme se trouvera en esclavage, tous les autres ne peuvent être considérés comme libres. Mais quand tous les hommes seront libres, nous pourrons attendre en toute confiance le jour où cette ville de Berlin sera réunifiée et où le grand continent européen rayonnera pacifiquement. La population de Berlin-Ouest peut être certaine qu’elle a tenu bon pour la bonne cause sur le front de la liberté pendant une vingtaine d’années.
Tous les hommes libres, où qu’ils vivent, sont citoyens de cette ville de Berlin, et pour cette raison, en ma qualité d’homme libre, je suis fier de dire : Ich bin ein Berliner.
Pour aller plus loin :
· Pour mieux comprendre et se remémorer les tenants et aboutissants de la Guerre Froide, n'hésitez pas à lire l'excellente synthèse du Professeur Georges-Henri Soutou : https://www.awin1.com/cread.php?awinmid=12665&awinaffid=1519817&ued=https%3A%2F%2Fwww.fnac.com%2Fa3473207%2FGeorges-Henri-Soutou-La-Guerre-froide
· Pour tout savoir sur JFK, je vous invite à lire sa biographie par Frédéric Martinez : https://www.awin1.com/cread.php?awinmid=12665&awinaffid=1519817&ued=https%3A%2F%2Fwww.fnac.com%2Fa5929907%2FFrederic-Martinez-John-Fitzgerald-Kennedy
· Et pour se replonger dans les circonstances de l'assassinat de Kennedy de façon originale, je vous recommande de lire le roman 22/11/63 écrit par Stephen King : https://www.awin1.com/cread.php?awinmid=12665&awinaffid=1519817&ued=https%3A%2F%2Fwww.fnac.com%2Fa7258762%2FStephen-King-22-11-63
P.S. : les liens Fnac ci-dessus sont des liens affiliés ; chaque achat réalisé via ces liens donne lieu à une commission ce qui vous permet de soutenirUn jour… Un discoursgratuitement !